Qui était le chauffeur de half-track du Général Frederick ?
Le 4 juin 1944, le Général Robert T. Frederick, commandant de la 1st Special Service Force est blessé sur l’un des ponts sur le Tibre alors qu’il tente de le capturer et de le sécuriser. Frederick se trouvait à ce moment-là à bord d’un half-track, avec une poignée de Forcemen, un canadien inconnu et un autre homme, son chauffeur qui perdit la vie lors de cette escarmouche solitaire.
Très inhabituel pour une unité d’infanterie, d’où provenait ce half-track et pourquoi le Général Frederick en avait besoin ?
En Avril 1944, la 1st Special Service Force reçoit un renfort de plus de 950 hommes, des Rangers, vétérans du 1st et 3rd Ranger Bn. et pour la grande majorité, du 4th Ranger Battalion. En juillet 1943, alors que la Ranger Force du Lt. Col. William O. Darby débarquait en Sicile, sa Ranger Force – unique – se voyait doté d’une « Cannon Company » ou « Cannon Platoon » semblable aux unités d’infanterie standard qui était dotés d’une Anti-Tank Company. Cette Cannon Company servait à appuyer cette unité d’élite ayant peu de moyen offensif lourd à disposition.
Alors que les effectifs de la Ranger Force étaient transférés dans la Force, la Cannon Company rejoignait également les effectifs. La Force disposait alors elle-même de quatre half-tracks et d’une jeep de commandement. Mais Frederick n’avait pas pris place dans un half-track armé d’un canon de 75mm. Non.
Il y a peu de temps, je lisais un document intitulé « Summary of our operations – Résumé de nos opérations » couvrant toute la période d’action de la Force et séparé en plusieurs parties dont « Supply – Approvisionnement ». Dans ce document, on lit que la Force a reçu quatre half-tracks du 39th Engineer Combat Regiment en prévision de la percée d’Anzio afin de pouvoir approvisionner ses forces au plus près de la ligne de front. La question ici est « comment le 39th Engineer a-t ‘il eut ses half-tracks ?! » Ceci est une autre question dont je n’ai pas la réponse. Je me suis alors dit que Frederick avait reçu cet half-track de la part du 39th Engineer. Fin de l’histoire.
En réalité non, ces half-tracks vont bien servir à l’approvisionnement de l’unité durant toute la percée. Résultat, la Force va avoir au moins huit half-tracks durant toute l’opération de la ‘course de Rome’. À ce jour, je n’avais donc toujours pas la réponse.
Finalement, la réponse m’est parvenu dans un autre document, beaucoup plus personnel car il s’agit d’un interview du Général Frederick himself au Congrès américain en 1949. Frederick raconte lui-même que le 28 mai 1944 durant les violents combats d’Artena, il se voit confier un half-track. Oui, mais pourquoi faire ? A ce stade de la bataille, la Force se bat face à des éléments acharnés de la division blindé de la Luftwaffe ‘Herman Goering’. Qui veut dire division blindée veut dire char. La Force reçoit alors l’appui de plusieurs Tank Battalion indépendant mais se retrouve incapable de communiquer avec les unités blindées, son matériel radio totalement défectueux ou en inadéquation avec les ondes radios utilisé par les commandants d’unité de char.
Ce half-track est donc équipé d’une puissante radio, capable de communiqué avec les commandants des unités blindés en soutien de la Force. Oui mais pour pousser le visse un peu plus loin, d’où provient cet half-track ? De l’une de ces unités blindées, bien entendu ! Oui mais laquelle ? Aucun document en ma possession ne permettait de le savoir. Ceci est évident car dans tous les cas, la réponse ne serait apparue dans aucun document de ces unités, car cet half-track provient de la 1st Armored Division et plus précisément du 6th Armored Infantry Battalion qui n’est pas du tout en soutien de la Force. Comment le savoir ? Le marquage du bumper le confirme clairement !
Cependant la question est : Est-ce que le chauffeur du half-track provient de cette unité d’infanterie blindé ou bien un Forceman l’a remplacé ? A savoir que de nombreux personnels de la Force sont des anciens de la Cavalry blindé et sont tout à fait apte à conduire un tel engin.
Arrive le 4 juin 1944 et l’entrée dans Rome. Frederick se retrouve dans son half-track avec selon le Col. Burhans, auteur de « The Devil’s Brigade » : « …avait avec lui le Capt. McCall, le Sergeant Pulley, le Sergeant Martinez comme opérateur radio, l’assistant de Martinez et un canadien qui avait quelques jours auparavant quitté l’hôpital et s’était rattaché à la Force. »[1]
Alors qu’à Rome la situation évolue Frederick décide de foncer à travers la ville avec son équipage afin d’apprendre si les ponts sur le Tibre sont intacts. A la vue d’un des ponts, des soldats allemands sont vus et ces tirs sur le petit contingent. Les Forcemen répliquent, « la petite escarmouche qui suivit provoqua le repli des allemands, laissant plusieurs morts et un certain nombre de prisonniers. Le chauffeur du half-track du Général gisait mort, le canadien qui s’était rattaché à la Force sans ordres et avait prouvé sa valeur plus d’une fois dans la journée avait stoppé une balle dans son épaule. Le Général était blessé au bras et à la jambe. »[2]
Hélas, aucune information n’indique le nom de ce chauffeur. Il n’apparait pas dans la liste des morts de la Force (ayant répertorié tout les décès et les circonstances de leur mort pour la majorité).
Un homme pourrait « matcher ». Il s’agit du Pvt. Melvin Barron. Le Pvt. Melvin Baron avait 17 ans lorsqu’il s’engagea dans l’armée avec l’accord de sa mère. Baron avait du être accepté pour son physique athlétique. Ayant été un enfant de la ferme il avait aussi certaines capacités tel que conduire des camions et autres engins agricoles. Melvin participe à la bataille d’Anzio et à la percée. Lors de l’annonce de sa mort, Sa famille avait compris qu’il conduisait un camion près de la tête de la colonne menant à Rome. Son camion aurait été touché de plein fouet par le tir d’un char. Avec le temps, les souvenirs de ces dires se sont dissipés. Melvin conduisait-il un camion et tué par le tir d’un char ? un half-track en réalité ?! Cela pourrait correspondre, mais la réalité est tout autre.
Lors de l’entrée dans la banlieue sud de Rome à 06h-06h20, Melvin Baron se trouvait sur l’un des deux chars de tête frappé de plein fouet par un ‘Brumbar’ un canon automoteur de 170mm et est tué sur le coup.
À ce jour, l’identité du chauffeur de ce half-track n’est toujours pas élucidé. Aurait-t ’il été réellement tué ? Cette histoire perdure depuis des années et est relaté dans la majorité des livres sur la Force : « le pilote de Frederick est tué sur l’un des ponts sur le Tibre », sans toutefois que quelqu’un ne puisse révéler son identité. Aujourd’hui, c’est toujours le cas.
[1] The First Special Service Force, Robert D. Burhans, Infantry Journal Press. P. 240
[2] The First Special Service Force, Robert D. Burhans, Infantry Journal Press. P. 244